Entretien avec Mgr Valentin avec Famille Chétienne
Publié le 16/07/2024Idriss Bigou-Gilles - Hans Lucas pour FC
Au lendemain du second tour des Législatives, dans une France fracturée, l’évêque de Carcassonne et Narbonne dessine quel peut être le rôle des chrétiens dans la période qui s’ouvre.
On n’a pas beaucoup entendu l’Église pendant la campagne des Législatives. Pourquoi ?
Certains ont pu reprocher aux évêques de ne pas dire ce qu’ils voulaient entendre, mais notre vocation fondamentale n’est pas de donner des consignes de vote. Elle est d’abord de rappeler aux catholiques leur responsabilité, comme citoyens, de s’impliquer dans la société. C’est ensuite de fournir les éléments de nature à éclairer le discernement, et il y a eu plusieurs prises de parole et documents en ce sens ces dernières années. Le troisième axe, enfin, c’est l’invitation à prier, et les évêques l’ont fait également. Certains y ont vu une manière de se défiler, c’est loin d’être le cas. Si je peux comprendre que, pour le monde profane, la prière n’a pas beaucoup de sens, je le comprends moins de la part des catholiques ! Prier, ce n’est pas se défausser en se retirant sur une sorte d’Aventin spirituel. C’est, au contraire, le préalable pour pouvoir mettre les mains dans le cambouis et tenir pleinement son rôle.
Dès le début de la campagne des élections législatives, vous avez fait le choix d’écrire aux catholiques de l’Aude pour les inviter, en premier lieu, à résister à la peur. Est-ce un sentiment que vous avez perçu sur le terrain ?
Cela est vrai dans l’Aude, comme partout ailleurs en France. Je suis préoccupé par l’accumulation des peurs dans notre société : peur du lendemain, peur du frigo vide, peur de l’avenir de mes enfants, peur de sortir le soir, peur de l’immigration, peur de l’insécurité, peur du terrorisme, peur de l’état de la planète… Et je suis très préoccupé par l’utilisation de ces peurs comme argument électoral central dans la campagne passée. La vérité oblige à reconnaître que, plutôt que présenter positivement leur programme, la plupart des coalitions en présence ont agité la peur du programme de l’autre, voire la peur de l’autre tout court. C’était une campagne très sartrienne : l’enfer, c’est l’autre ! Mais, objectivement, comment ne pas avoir peur quand le président de la République lui-même brandit la menace d’une guerre civile ? Ce climat me préoccupe, et les chrétiens n’en sont pas indemnes. Ils ont développé un certain nombre de peurs spécifiques, si ce n’est exclusives, autour d’une forme d’insécurité culturelle devant la disparition d’une anthropologie, d’une culture, de racines qui leur sont propres...