Déclaration de l'évêque de Carcassonne et Narbonne du 30 avril 2020
Publié le 30/04/2020
L’évêque de Carcassonne & Narbonne
Carcassonne, le 30 avril 2020
Aux fidèles du Christ qui sont l’Eglise de Carcassonne & Narbonne
Chères soeurs, chers frères,
L’heure du déconfinement approche et déjà il faut penser à l’organiser. C’est ce à quoi je travaille avec le Conseil épiscopal et la chose ne s’annonce pas très facile à mettre en oeuvre. Le temps venu je consulterai aussi le Conseil presbytéral et le Conseil diocésain de pastorale.
Le gouvernement vient de nous annoncer que le culte, en dehors des funérailles, ne reprendra pas avant le 2 juin. Il s’est trouvé des voix, certaines vénérables, pour aussitôt crier à la violation de la liberté de culte ou même à la liberté religieuse. Ce n’est pas mon point de vue.
Dans la Tradition catholique, les gouvernements, quelles que soient leurs limites, ont reçu de Dieu la charge de rechercher le bien commun1. En ce moment, dans le monde, ils ont le redoutable devoir d’assurer une reprise économique et pourtant de préserver la santé publique.
Alors que le comité d’experts scientifiques refusait la réouverture des écoles, le gouvernement français, pour ce qui lui a paru le bien de l’économie, est passé outre. Mais non sans hésitations et sans laisser une grande marge de liberté aux familles.
En matière de santé publique il a prévenu qu’on était dans un temps d’essai et d’expérience et a cru bon, conformément aux avis scientifiques de renvoyer certaines ouvertures, dont celles de la reprise des cultes, au 2 juin – sans assurer que ce serait vraiment possible alors. La reprise ne pourra d’ailleurs se faire que strictement encadrée et dans des conditions très restrictives, au prix de multiples procédures de protection.
Ce faisant, l’Etat agit dans son ordre. La liberté de religion n’est pas atteinte : tous nous pouvons librement continuer à prier, échanger par les différents moyens de communication et y annoncer l’Evangile, sans oublier d’exercer une charité active. Les consignes gouvernementales ne sont pas attentatoires mais prudentielles. Le Saint Père lui-même nous invitait, le 28 avril, à prier pour que, « en cette période où il commence à y avoir des dispositions pour sortir de la quarantaine, le Seigneur donne à tous la grâce de la prudence et de l’obéissance à ces mesures pour que la pandémie ne revienne pas. »2
Or, nous le savons bien, l’épidémie est toujours là et le pire serait un nouveau pic provoquant un collapsus de notre système de santé et un effondrement définitif de notre économie.
Certes nous sommes impatients de retrouver nos assemblées, je pense tout
particulièrement aux catéchumènes que j’ai appelés au baptême le 1er mars dernier, je pense aux
jeunes confirmands, je pense aux familles en deuil qui veulent prier au milieu de la
communauté…
J’ai appris, bien avant le Concile, des bons frères qui m’ont fait chrétien, que Dieu agit audelà
de nos signes, même des sacrements. J’ai retenu du Concile que l’Eglise était « dans le Christ,
en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu »3 , cela elle le tient du Christ qui l’a fondée « comme le sacrement du salut ». Et tant qu’on reste uni au Christ, Tête du Corps, et au Corps, par l’assentiment de foi, la prière et la charité, on vit de ce sacrement. J’ai découvert aussi que « tout apostolat trouve dans la charité son origine et sa force »4 et qu’il n’y a pas de circonstance où l’on ne puisse vivre la charité envers Dieu – « qui nous a aimés le premier » (I Jn
4,19) – et envers nos frères. Et l’Evangile m’a appris que c’est sur la charité que nous serons jugés
(Mt 25, 31-46).
Et c’est la charité qui me fait choisir la prudence : je ne veux pas que nous ajoutions au
malheur, je pense à ceux de nos prêtres âgés qui ont connu de graves épreuves de santé et dont je
dois protéger la vie. Mais je pense aux innombrables pauvres que le déconfinement trouvera
encore plus pauvres dans ce pays si touché par la misère et je voudrais qu’on prévoie déjà les
aides qu’il faudra apporter. Je salue ici le travail de notre Secours catholique et de l’équipe
carcassonnaise des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul qui ont assuré la présence de l’Eglise
auprès des plus pauvres, fournissant toutes sortes d’aide y compris celle de l’écoute ou la
fabrication de masques. Je pense aux nombreux catholiques qui par leur métier, ou par leurs
engagements associatifs ont soutenu les malades et les pauvres. Mais il faudra prévoir d’accroître
notre aide à l’issue du confinement pour ces frères démunis, sans oublier notre Eglise soeur de
Fada N’Gourma confrontée à la double menace de l’infection et du terrorisme.
C’est bien cette double impatience que j’entends – et si nous sommes chrétiens c’est une
seule impatience – la seconde important plus que la première car : « Voulez-vous rendre honneur au
Corps du Sauveur ? Ne le dédaignez pas quand vous le voyez couvert de haillons, après l’avoir honoré dans l’église par des vêtements de soie, ne le laissez pas souffrir du froid et dans le dénuement »5.
Avançons patiemment dans la prière et restons unis par la prière et la charité.
+ Alain PLANET
1 Cf. Ro 13, 1-2 ; I P 2, 13-17, C’est l’interprétation de Mt 22, 21 et //. C’est ce qu’affirmera le futur Innocent III : « L’empereur et les rois reçoivent le pouvoir de Dieu et accomplissent comme ils l’entendent leur office dans leur domaine. De même le Souverain Pontife dans le sien ».
2 Pontifex, tweet du 28 avril 2020.
3 Vatican II, LG, 1 ; GS 42 ; AG 5.
4 Vatican II, AA, 8
5 Saint Jean Chrysostome, 50e homélie sur Matthieu, (traduction Bareille), Vivès, 1868, p. 492-493.
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